L’équipe juridique de l’ex-président va probablement faire appel du verdict. "Nous nous battrons pour notre Constitution. Cette affaire est loin d’être terminée", a déclaré Trump après l’annonce du jury. L’audience au cours de laquelle sa peine sera prononcée devrait avoir lieu le 11 juillet.
Amy Lieberman, responsable des pages Politique et Société de The Conversation U.S., s’est entretenue avec Gabriel J. Chin, spécialiste du droit pénal et de la procédure pénale, afin de mieux comprendre le verdict.
Pourquoi y a-t-il eu autant de chefs d’accusation différents dans cette affaire ?
L’essence même des délits pour lesquels Trump a été condamné est la falsification de documents. Par conséquent, chaque chèque, facture ou autre document dont le jury a estimé qu’il avait été falsifié constitue une infraction distincte, qui peut faire l’objet d’un chef d’accusation distinct et être punie séparément.
L’accusation voulait s’assurer que le jury percevrait toute l’ampleur du stratagème qu’elle assurait avoir révélé, à savoir que Trump avait dissimulé le fait qu’il avait versé des pots-de-vin à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels en faisant passer ces paiements pour des honoraires versés à son avocat, Michael Cohen. Ce dernier aurait ensuite utilisé l’argent de Trump pour payer Daniels en contrepartie du silence de celle-ci sur sa prétendue liaison avec Trump.
Qu’est-ce qui est le plus important dans cette condamnation ?
Il est historique et inédit qu’un ancien – ou futur – président des États-Unis soit condamné par la justice. Ce verdict engendrera d’âpres débats, et les Américains devront juger si ces poursuites sont une illustration du principe selon lequel personne n’est au-dessus de la loi, ou s’il s’agit d’un cas de persécution politique.
D’un point de vue purement juridique, cette condamnation a un effet significatif sur toutes les autres affaires pénales et civiles dans lesquelles Trump est jugé. Au minimum, cela signifie que s’il témoigne à la barre dans une affaire, les avocats de la partie adverse pourront attaquer sa crédibilité en invoquant cette condamnation, qui peut porter atteinte à la crédibilité de ses déclarations ultérieures.
En pratique, ce verdict signifie également que Trump – qui est inscrit sur les listes électorales de Floride – ne peut pas voter dans cet État jusqu’à ce qu’il ait effectué sa peine. En vertu de la loi fédérale, il ne peut pas posséder d’arme à feu. Mais il peut toujours se présenter à l’élection présidentielle et exercer ses fonctions s’il est élu, car aucune disposition de la Constitution n’empêche les personnes ayant fait l’objet de condamnations – ou qui se trouvent en prison – de se présenter à l’élection présidentielle et d’exercer leurs fonctions en cas de victoire.
A-t-on déjà une idée de ce que sera la peine à laquelle il sera condamné ?
Le juge new-yorkais Juan Merchan décidera seul de la peine, sans jury.
Il n’est pas surprenant que l’annonce de la sentence ait été fixée au mois de juillet, plutôt qu’à une date antérieure. Comme dans d’autres cas, le service de probation préparera un rapport décrivant les antécédents et le passé de M. Trump, ainsi que les faits et les circonstances de cette affaire.
Trump n’a pas de casier judiciaire, ce qui est généralement un facteur jouant en la faveur du condamné au moment de la détermination de la peine. Toutefois, il a des antécédents judiciaires négatifs : il a notamment été reconnu coupable d’agression sexuelle dans un procès civil en 2023. Reste à savoir si l’accusation ou le service de probation soutiendront que ces autres poursuites pénales et civiles doivent être prises en compte dans la détermination de la peine consécutive à sa condamnation de ce 30 mai.
L’absence de remords est un facteur de détermination de la peine qui entre parfois en ligne de compte ; c’est souvent une raison pour laquelle les juges imposent une peine plus sévère. Il ne semble pas que Trump ait reconnu d’une manière ou d’une autre qu’il a fait quelque chose de regrettable ou qu’il a commis un crime. En outre, pendant le procès, le juge a sanctionné Trump à plusieurs reprises pour avoir enfreint l’ordre de garder le silence ; cela peut également être un facteur retenu contre lui, qui pourrait contribuer à la détermination d’une sentence plus sévère.
Compte tenu de ce verdict, est-il probable que Trump purge une peine de prison ?
Le délit de falsification de documents commerciaux est considéré dans l’État de New York comme un crime de "Classe E" – et chaque crime est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans d’emprisonnement. La mise à l’épreuve peut remplacer l’incarcération, ou la mise à l’épreuve peut être assortie d’une courte période d’incarcération.
Les peines peuvent être imposées simultanément ou consécutivement, de sorte que Trump pourrait théoriquement être condamné à une peine de 136 ans si les peines maximales pour tous les chefs d’accusation étaient imposées consécutivement. Toutefois, bien que la sentence soit laissée à l’appréciation du juge, on peut raisonnablement supposer, sur la base des pratiques passées, que Trump ne sera pas condamné à une longue peine d’emprisonnement et qu’il pourrait même ne pas être incarcéré du tout.
Un verdict de non-culpabilité aurait été définitif en raison de l’interdiction par la Constitution de la double incrimination – ce qui signifie qu’une personne ne peut pas être condamnée, acquittée ou punie plus d’une fois pour le même délit.
Cette condamnation sera sans aucun doute contestée pendant des années, et la procédure d’appel pourrait aboutir devant la Cour suprême des États-Unis. La question de savoir s’il était approprié que cette affaire soit jugée par un tribunal d’État se posera également : en appel, on peut s’attendre à ce que soit brandi l’argument selon lequel le procès aurait dû se tenir au niveau fédéral, car les faits reprochés à Trump ont trait à des élections fédérales.
Bref, cette affaire n’est pas terminée, loin de là. Il est probable que même si Trump était condamné à une peine d’emprisonnement, il serait autorisé à rester en liberté en attendant l’appel. Cette pratique n’est pas rare dans les affaires complexes et très médiatisées, du moins lorsqu’il existe des allégations juridiques raisonnables d’erreur.
Qu’est-ce qui a rendu les preuves si solides dans cette affaire qu’elles ont persuadé les jurés ?
Cela s’explique en partie par la loi new-yorkaise qui, contrairement à celle de nombreux États, criminalise la falsification de documents commerciaux internes, même s’ils sont privés et ne servent pas à frauder le système fiscal ou à escroquer qui que ce soit. Mais même à New York, la falsification de documents commerciaux privés relève généralement du délit. Ces agissements ne peuvent provoquer une sanction pénale que si, comme l’a constaté le jury en l’espèce, ils sont utilisés pour couvrir ou dissimuler un crime.
Dans ce procès, le jury a sans doute été convaincu par l’argument de l’accusation selon lequel le délit couvert était avant tout une manœuvre visant à induire en erreur le peuple américain en dissimulant des informations sur le caractère et la conduite d’un candidat à l’élection présidentielle.
Étant donné que Trump était accusé d’avoir trompé les électeurs, le jury n’était peut-être pas disposé à se contenter de considérer qu’il s’agissait d’une affaire normale. Un autre facteur est l’enquête remarquable qui a été menée pour préparer cette affaire. L’accusation disposait d’un si grand nombre de témoins et de documents qu’elle a pu raconter l’histoire avec des détails très précis.
Cet article est illustré par Cartooning for Peace, un réseau international de dessinateurs et dessinatrices de presse engagés à promouvoir, par le langage universel du dessin de presse, la liberté d’expression et les droits de l’Homme.
Gabriel J. Chin, Professor of Criminal Law, Immigration, and Race and Law, University of California, Davis
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles d'InfoChrétienne.